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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 125

Le mercredi 17 mai 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mercredi 17 mai 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Portage Ontario

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler d’un organisme incroyablement important dans ma collectivité, Centre Wellington. Portage Ontario est un chef de file en matière de santé mentale et de réadaptation en toxicomanie. Je continue de recevoir des comptes rendus réguliers sur son travail inestimable, et je suis heureux de prendre la parole à nouveau aujourd’hui pour féliciter ses employés de leurs succès.

En avril, j’ai reçu un autre compte rendu sur le travail de Portage Ontario et j’ai entendu les histoires de deux de leurs clients, Reegan et Siv. Je suis ici aujourd’hui au Sénat pour applaudir ces deux jeunes gens, leur travail acharné et leur dévouement à l’égard de leur santé et de leur bien-être. Je continuerai à les encourager.

En tant que Chambre de second examen objectif, il est du devoir du Sénat, chers collègues, d’examiner en toute indépendance non seulement les projets de loi qui lui sont soumis, mais aussi les problèmes qui se posent à l’extérieur de cette enceinte. Les problèmes de santé mentale et de toxicomanie sont à la hausse. L’accès aux installations de soins de santé mentale et de réadaptation en toxicomanie est nettement insuffisant.

Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, 21 % des Canadiens — soit 6 millions de personnes — répondront aux critères permettant de désigner une personne comme toxicomane au cours de leur vie. Des organismes comme Portage, à Centre Wellington, et d’autres, travaillent avec diligence pour s’attaquer à ce problème.

Depuis son ouverture il y a presque 50 ans, cet organisme à but non lucratif a aidé des milliers d’Ontariens à retrouver la santé. Il a eu une incidence positive directe sur la vie de nombreux jeunes, et je suis fier d’avoir rencontré des gens comme Reegan et Siv qui sont devenus des adultes productifs, polis et attentionnés, ayant acquis les outils nécessaires pour relever les défis de la vie pendant leur séjour à Portage.

Je remercie les employés de Portage de tout le travail qu’ils ont accompli dans ce domaine. J’espère, aujourd’hui, que tous mes honorables collègues prendront le temps de réfléchir à la manière dont ils peuvent soutenir les Canadiens aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, et à ce que nous pouvons continuer de faire, collectivement, pour améliorer l’accès à ces services. Merci, meegwetch.

[Français]

La Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie

L’honorable René Cormier : Chers collègues, la montée de la haine anti 2ELGBTQI+ en Amérique du Nord et dans le monde existe bel et bien et est présente ici, au Canada. Si nous avons fait des avancées importantes en matière d’égalité juridique dans notre pays, nous sommes encore bien loin de l’égalité sociale.

[Traduction]

Cette haine, alimentée par une peur excessive et déraisonnable de quelque chose qui ne présente aucun danger, est appelée phobie. En cette Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, il est important de rappeler que ces phobies sont irrationnelles, que les personnes 2ELGBTQI+ ont toujours existé et ne représentent aucun danger, et que le fait d’être une personne 2ELGBTQI+ n’est ni une maladie ni une idéologie, mais une identité humaine.

[Français]

La stigmatisation des personnes 2ELGBTQI+ est d’une part causée par ces peurs irrationnelles, mais est aussi alimentée par des politiques et pratiques discriminatoires qui sont encore malheureusement présentes au Canada. Pensons notamment aux enjeux associés au don d’organe et de sperme chez les hommes gais, à la criminalisation de la non-divulgation de la séropositivité, aux chirurgies purement cosmétiques pratiquées sur les organes génitaux des personnes intersexes, au manque criant d’accès aux soins de santé pour les personnes trans et à la prophylaxie préexposition contre le VIH ou PrEP. Des discriminations intolérables sur lesquelles nous devons tous et toutes travailler.

Nous pouvons tout de même nous réjouir des avancées significatives des dernières années dans notre pays et nous targuer d’avoir au Parlement canadien un nombre record de parlementaires membres des communautés 2ELGBTQI+ et de nombreux alliés, que je remercie de leur soutien.

C’est d’ailleurs dans ce contexte que le Caucus canadien de la Fierté a vu le jour il y a quelques mois. Composé de sénateurs et de députés membres des communautés 2ELGBTQI+, ce caucus a pour objectif principal d’œuvrer de façon non partisane à l’avancement des droits des personnes 2ELGBTQI+ au Canada et ailleurs, tout en assurant un dialogue actif avec les organismes de la société civile.

[Traduction]

Chers collègues, si le Canada est à l’avant-garde de la protection des droits de la personne à l’intérieur de ses frontières, il doit faire preuve de générosité et de solidarité envers les communautés à l’étranger, comme celles de l’Ouganda et du Nigeria, qui font l’objet d’une discrimination extrême et travaillent fort pour faire progresser les droits des personnes LGBTQI+, au risque de leur vie.

[Français]

Tant que l’équité complète entre les droits de tous les êtres humains ne sera pas atteinte, il y aura toujours des combats à mener.

Je salue haut et fort tous les organismes et individus de la société civile qui œuvrent ardemment pour assurer l’amélioration des droits de ces communautés. Travailler aux droits des communautés 2ELGBTQI+, c’est travailler aux droits de tous les êtres humains.

Chers collègues, faisons un pas vers l’avant. Célébrons nos avancées, bien sûr, mais surtout, engageons-nous à enrayer pour de bon les LGBTQphobies.

Je vous remercie.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’honorable Martin Cauchon, ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada, de John Lee, de Judy Niu, de Richard Zhong et de Nathan Xie. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Oh.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les entrepreneurs canadiens d’origine asiatique

L’honorable Victor Oh : Je tiens à vous féliciter, Votre Honneur, pour votre deuxième journée au fauteuil.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin de souligner les efforts et l’apport de la communauté canado-asiatique à la prospérité du Canada. Comme je l’ai indiqué dans mes déclarations précédentes, le Mois du patrimoine asiatique est l’occasion idéale de rendre hommage aux Canadiens d’origine asiatique qui font changer les choses dans nos communautés. Aujourd’hui, j’aimerais souligner le travail des pionniers du monde des affaires qui ont pris le risque de l’entrepreneuriat.

Récemment, j’ai eu le privilège de rencontrer plusieurs entrepreneurs canadiens d’origine asiatique, dont John Lee, et de discuter de leur parcours tumultueux vers la réussite. Ayant démarré leur entreprise dans leur sous-sol pour en faire des sociétés reconnues à l’international, ils représentent un véritable exemple de réussite pour les immigrants canadiens. De telles réalisations illustrent l’importance de la valeur qu’accorde le Canada au multiculturalisme.

Comme nous le savons tous, l’esprit d’entreprise est la clé de voûte de l’innovation et du progrès. L’entrepreneuriat est la force qui fait progresser notre économie et qui crée des possibilités d’emplois.

(1410)

Être entrepreneur ne se limite pas à créer une nouvelle entreprise, mais consiste également à cerner les besoins de la société et à proposer une solution. Pour être entrepreneur, il faut aussi prendre des risques et faire preuve de créativité et de persévérance. Il faut du courage pour sortir de sa zone de confort, commencer quelque chose de nouveau et risquer l’échec, mais maintenir le cap en dépit des difficultés. Par surcroît, l’entrepreneuriat crée des emplois et améliore la qualité de vie des gens.

La réussite du Canada repose sur le dur labeur des entrepreneurs et leurs idées commerciales novatrices. Bon nombre de Canadiens d’origine asiatique ont contribué à la croissance économique et ont créé de nombreux emplois grâce à leur ténacité et leur persévérance.

Heureusement, le Canada compte divers organismes qui favorisent l’entrepreneuriat. De ce nombre, j’estime que l’organisme Exportation et développement Canada mérite d’être mentionné. Grâce à son appui, son expertise et ses conseils, de nombreux gens d’affaires bénéficient de conseils utiles pour réussir, croître et trouver des débouchés commerciaux. Ces conseils peuvent ouvrir des portes aux entreprises et les propulser sur la scène mondiale.

Cela dit, appuyons, ce mois-ci, les entrepreneurs et les entreprises locales.

Merci. Xie xie.

Visiteurs de marque à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue l’honorable Douglas Roche, qui est aussi un ancien ambassadeur au désarmement. Il est accompagné de Cesar Jaramillo, directeur général de Project Ploughshares. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureuse de vous revoir au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Aaron Sock, chef de la Première Nation d’Elsipogtog, de Joseph Levi, de la Première Nation de Metepenagiag, de Tara Levi, de la Première Nation de Neqotkuk, directrice générale, MAWIW Council Inc., et de James Lloyd Rockwell. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Francis.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Joseph Kenneth Levi

Félicitations à l’occasion de sa retraite

L’honorable Brian Francis : Je vous remercie Votre Honneur. Mes plus sincères félicitations pour votre nomination.

Honorables sénateurs, j’aimerais aujourd’hui rendre hommage à M. Joseph Kenneth Levi, de la Première Nation de Metepenagiag, qui a pris sa retraite du ministère des Pêches et des Océans en janvier. Il a été agent des pêches pendant plus de 30 ans au Nouveau-Brunswick.

Pendant sa longue carrière, M. Levi a souvent été appelé à jouer les médiateurs entre le ministère et les Premières Nations du coin, y compris lors de situations particulièrement tendues où les frères mi’kmaqs de M. Levi ont été victimes de harcèlement et même de violence parce qu’ils tentaient de faire valoir les droits ancestraux et constitutionnels que leur garantissent les divers traités. Il a donné deux exemples.

Pendant la crise du saumon de l’Atlantique, en 1995, M. Levi travaillait près de la Première Nation de Natoaganeg, qui est située à à peine un kilomètre de son domicile. C’est donc dire la situation délicate dans laquelle il se trouvait. Après des semaines de surveillance assidue, les autorités ont procédé à de nombreuses saisies et arrestations. Finalement, la rivière a été fermée.

M. Levi était aussi aux premières lignes pendant la crise de Burnt Church, de 1999 à 2002. Selon lui, le ministère était mal préparé et il digérait mal l’arrêt Marshall de la Cour suprême du Canada. Les Mi’kmaqs pour qui la pêche et la vente de homards était un moyen de subsistance se butaient donc à une réaction agressive du ministère, au point de provoquer des affrontements violents. La résistance était vive aussi de la part des non-Autochtones. M. Levi, lui, était pris au milieu de tout cela et il craignait pour sa sécurité ainsi que pour celle de ses collègues et de la population en général. Une fois, des roches ont été lancées sur le navire à bord duquel il était monté, et il a dû venir en aide à une nouvelle recrue qui avait été blessée sérieusement.

Malgré des temps difficiles, M. Levi est fier de ce qu’il a accompli et des défis qu’il a relevés au cours de sa longue carrière au ministère des Pêches et des Océans. Il a favorisé le changement à l’intérieur du ministère, notamment en préconisant le recrutement d’un plus grand nombre d’Autochtones afin de favoriser une meilleure compréhension ainsi que l’établissement de relations entre les populations de la région. Cependant, M. Levi déplore que le taux de rétention reste faible parce que le ministère n’a pas consacré le temps et les ressources nécessaires pour se mettre au diapason des réalités culturelles. Il garde néanmoins l’espoir que le ministère travaillera un jour en véritable partenariat avec les Mi’kmaq, afin que les générations actuelles et futures puissent jouir de leur droit de pêcher et de commercialiser le homard, le saumon et d’autres espèces, ressources que nos ancêtres partageaient volontiers avec les Européens, après le contact.

À M. Levi et à tous les autres fonctionnaires autochtones qui veulent agir de l’intérieur pour améliorer les expériences et les résultats des autres peuples autochtones, je dis we’lalin — merci — de vos contributions et de vos sacrifices. Ayant cheminé à vos côtés au début de ma carrière, je sais à quel point il peut être difficile de concilier les responsabilités personnelles et professionnelles, en particulier lorsqu’on est victime de préjugés et de discrimination, lorsqu’on fait face à d’autres obstacles dans le lieu de travail et lorsqu’on est chargé d’appliquer des lois, des politiques et des programmes susceptibles d’avoir une incidence négative sur nos familles, nos collectivités et nos nations.

We’lalin. Merci.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Régine, Jean-François et Alexis Diard. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Audette.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Wendy Wood, de Diane Paquette et de Monique Renaud. Elles sont les invitées de l’honorable sénateur Cardozo.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès du sergent Eric Mueller

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, c’est le cœur lourd que je prends de nouveau la parole aujourd’hui. Le chagrin dans les rangs de la Police provinciale de l’Ontario est insoutenable. Il n’y a tout simplement pas de mots pour décrire à quel point cette tragédie affecte l’ensemble du corps policier, mais aussi la population de Bourget et de l’Est de l’Ontario.

Jeudi dernier, trois agents ont été la cible de coups de feu lorsqu’ils ont répondu à un appel dans une maison de la petite localité de Bourget, à une cinquantaine de kilomètres d’ici. Le sergent Eric Mueller a perdu la vie. Les deux autres agents ont été blessés, et l’un d’eux est dans un état critique.

Le sergent Mueller était un vétéran. Il a passé 21 ans à la Police provinciale de l’Ontario, dont les quatre premières au sein de l’unité responsable du transport des prévenus. Il exerçait les fonctions d’agent provincial depuis 2006. J’ai eu le privilège d’assermenter Eric pendant ma dernière année comme commissaire. Il a fait partie du détachement du comté de Leeds avant d’être transféré dans le comté de Russell. Il a obtenu le grade de sergent en 2018.

Si vous le permettez, je vais vous parler de lui. Eric Mueller était un jeune homme bien et un policier entièrement dévoué à son métier. Blessé grièvement dans l’exercice de ses fonctions en 2008, il s’est battu avec acharnement, car il tenait à reprendre son emploi. Pour ses partenaires de quart, Eric était un modèle parmi les modèles; pour le grand public, c’était un vrai gentleman; quant à ses amis et à ses collègues, ils le décrivaient comme l’un des policiers les plus habiles, les plus aimables et les plus intelligents qu’ils aient jamais côtoyés.

Il était un frère, un mari, un fils et un père. Il faisait son travail au mieux de ses capacités. Il avait un talent naturel pour aider les gens. En 2015, le sergent Mueller avait reçu la Citation du commissaire pour sauvetage après avoir aidé à secourir un suspect blessé coincé sous un véhicule en flammes.

Demain, des agents et des premiers répondants vont se rassembler à 11 heures à Ottawa pour lui rendre hommage ainsi qu’à sa famille.

(1420)

Chers collègues, veuillez prendre un instant pour songer aux nombreuses personnes éplorées qui vont se rassembler ici, à Ottawa, et plus particulièrement à sa famille, à ses collègues et à ses amis. Veuillez vous joindre à moi pour souhaiter un rétablissement complet et rapide aux agents qui ont été blessés. Je tiens à ce que les agents du comté de Russell sachent que nous sommes de tout cœur avec eux.

Cette tragédie n’a aucun sens. Nous avons perdu un policier talentueux. Une femme a perdu son mari. Deux jeunes enfants ont perdu leur père. Souvenons-nous à jamais de son sacrifice.

Merci, meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Margot Kontak-Forsyth et de Morley Forsyth. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Coyle.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

La Loi sur l’assurance-emploi
Le Règlement sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Présentation du dixième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le dixième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, qui porte sur le projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île‑du‑Prince-Édouard).

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1695.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Black, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2023

Dépôt du quatrième rapport du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants sur la teneur du projet de loi

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, qui porte sur la teneur des éléments de la section 24 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

(Conformément à l’ordre adopté le 27 avril 2023, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour pour étude à la prochaine séance.)

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 30 mai 2023, à 14 heures.

[Français]

Projet de loi sur l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu dépose le projet de loi S-265, Loi édictant la Loi sur l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, modifiant la Charte canadienne des droits des victimes et établissant un cadre de mise en œuvre des droits des victimes d’actes criminels.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Boisvenu, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

L’ingérence étrangère

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, selon un reportage paru il y a peu dans le Globe and Mail, les activités de l’agent de la République populaire de Chine qui a été expulsé du Canada la semaine dernière étaient connues du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, depuis l’arrivée de l’homme en sol canadien, en 2018.

Selon le Globe and Mail, pendant que ce diplomate était au Canada :

[...] il prenait des dissidents en photo, il épiait les activités qu’ils organisaient, il se renseignait sur leur identité et il faisait parvenir toute cette information à la police secrète chinoise [...]

Toujours selon le Globe and Mail, monsieur le leader, c’est dès 2020 que les agents du SCRS ont commencé à transmettre des renseignements de nature confidentielle sur cet homme à Affaires mondiales Canada, y compris sur ses rencontres avec des personnes travaillant pour des députés libéraux. Le gouvernement Trudeau savait que ce diplomate espionnait les Canadiens, mais pendant trois ans, il n’a absolument rien fait pour le stopper. On ne parle pas d’une semaine, monsieur le leader, mais de trois ans. En quoi cela est-il dans l’intérêt supérieur des Canadiens?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Je ne suis en position de commenter ni le reportage du Globe and Mail, ni l’information qui aurait pu être transmise à Affaires mondiales Canada, ni la nature de cette information. En ce qui concerne les allégations qui ont été rendues publiques par le Globe and Mail, ce que je peux vous dire, c’est que c’est par le journal que le gouvernement a été informé des gestes qui ont été posés à l’encontre du député Chong et qu’il a rapidement fait ce qu’il fallait pour que le diplomate en cause soit déclaré persona non grata.

Le sénateur Plett : Voilà ce qu’on peut qualifier de contradiction, monsieur le leader. À un certain moment, vous ne pouvez faire de commentaires sur ce que rapporte le Globe and Mail mais, lorsque vous agissez, vous affirmez l’avoir fait en tenant compte de ce qui a été publié dans ce même quotidien. Quelle est votre position, monsieur le leader? Comme vous le dites souvent, monsieur le leader — ce sont vos paroles —, soyons clairs, les Canadiens peuvent voir exactement ce qui se passe dans ce dossier. Ils ne sont pas dupes. Le premier ministre et le gouvernement qu’il dirige n’ont rien fait pour contrer l’ingérence de Pékin parce que cette immixtion les avantageait. Le gouvernement n’a pris des mesures que récemment à la suite de fuites aux médias, et ces mesures sont dérisoires. C’est aussi simple que cela.

(1430)

J’ai demandé à maintes reprises combien d’autres parlementaires avaient été ciblés par l’ingérence de Pékin. Nous venons d’apprendre, au cours de la fin de semaine, que le SCRS a communiqué avec l’ancien chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, et avec la députée néo-démocrate Jenny Kwan. Deux sources liées à la sécurité nationale ont déclaré au Globe and Mail que le gouvernement Trudeau a reçu une liste d’autres diplomates susceptibles de faire l’objet d’une expulsion.

Permettez-moi de vous poser les questions suivantes, monsieur le leader. D’autres parlementaires ont-ils été ciblés? D’autres agents à la solde du régime de Pékin devraient-ils être expulsés pour s’être livrés à des activités d’ingérence? Que faudrait-il pour que le gouvernement les expulse maintenant, et non dans plusieurs années?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question.

Tout d’abord, honorables collègues, il est inapproprié d’attribuer des intentions à un gouvernement ou à un député, quel qu’il soit, et d’affirmer que l’un ou l’autre n’a pas agi parce que c’était à son avantage. Le Président précédent nous a rappelé dans diverses décisions qu’il est inapproprié de faire des affirmations qui ne reposent pas sur des faits.

Pour ce qui est de votre question, et je vous rappelle que nous sommes à la période des questions. Par conséquent, vous pouvez poser des questions concernant des renseignements classifiés dont disposent peut-être les forces de sécurité ou les services du renseignement, mais il ne revient pas — et il ne reviendra jamais — au représentant du gouvernement, ou au leader du gouvernement, peu importe le titre que vous me donniez, à moi ou à la personne qui me succédera, de divulguer des renseignements secrets dans cette enceinte.

L’Agence des services frontaliers du Canada

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle nous ramène malheureusement à la pandémie de COVID-19, une période terrible pour les Canadiens, qui nous a tous touchés directement ou indirectement.

Monsieur le leader, je me dois de prendre la parole aujourd’hui pour poser des questions à propos des Canadiens qui ont été intimidés, persécutés et maltraités en raison de l’incompétence du gouvernement Trudeau, particulièrement dans le contexte de l’outil ArriveCan — dont il a souvent été question au Sénat — que j’avais moi-même surnommé « ArriveCAN’T » pendant la pandémie. Votre gouvernement présentera-t-il des excuses et versera-t-il un dédommagement aux Canadiens qui ont utilisé l’application et ont été forcés, à cause de son mauvais fonctionnement, de rester en quarantaine, ainsi qu’à ceux qui ont présenté une preuve de vaccination imprimée à leur retour au Canada, mais qui se sont vu imposer une amende parce qu’ils n’avaient pas utilisé l’application, comme c’est arrivé à Joanne Walsh?

Qu’est-ce que votre gouvernement entend faire à ce sujet? Prévoit-il dédommager ces Canadiens dont le droit d’entrer librement au Canada a été brimé parce que le gouvernement Trudeau refusait d’admettre qu’il avait gaffé et que l’application ArriveCAN était un désastre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de vos questions, sénateur.

Les efforts déployés par le gouvernement fédéral, ainsi que par l’ensemble des provinces, des territoires et des municipalités, pour protéger les Canadiens face à une pandémie mondiale sans précédent sont bien connus. Dans une très large mesure, ils ont réussi à protéger les Canadiens des ravages physiques et médicaux de la COVID. Beaucoup trop de personnes sont tombées malades et beaucoup trop sont mortes, c’est certain. Les Canadiens et leur famille ont payé un prix terrible, mais il aurait été bien plus élevé si le gouvernement n’avait pas agi comme il l’a fait en collaboration avec les provinces, les territoires et les municipalités, ainsi qu’avec le secteur à but non lucratif.

En ce qui concerne votre question en particulier, je ne manquerai pas de porter votre préoccupation — la question que vous avez soulevée — à l’attention du ministre compétent.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, j’ai très souvent attiré votre attention sur l’injustice dont ces Canadiens ont été victimes. Il n’est pas question ici de protection contre la COVID, mais d’un processus bancal et abusif qui a été imposé par le gouvernement et qui s’est trouvé à persécuter injustement quantité de Canadiens. Certains, qui ne demandaient qu’à exercer le droit qui est légitimement le leur de rentrer au pays, ont reçu des amendes pouvant atteindre 8 500 $, et ce, même s’ils avaient une preuve de vaccination avec eux. On les a également menacés de leur infliger d’autres amendes pouvant atteindre 750 000 $ s’ils rompaient leur quarantaine, quarantaine qui s’est révélée au final être une mesure beaucoup plus punitive que médicale.

Était-ce un moyen pour le gouvernement de payer le fiasco qu’a constitué la mise en œuvre d’une application aussi mal conçue que terrible et coûteuse? Vous avez vu la facture grimper. J’ai abordé le sujet ici même, en pleine pandémie.

Était-ce un autre moyen de renflouer les coffres? Est-ce pour cette raison que des citoyens innocents et respectueux des lois ont été mis en quarantaine pour rien? Pour que le gouvernement puisse payer son fiasco? Pourquoi une telle injustice?

Le sénateur Gold : C’est pour protéger les Canadiens que les personnes qui n’avaient pas de preuve de vaccination ont été placées en quarantaine.

Ce n’était absolument pas un moyen de renflouer les coffres, honorable collègue, et les prémisses de cette affirmation sont infondées.

L’innovation, les sciences et le développement économique

L’intelligence artificielle et les données

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, dans quelques jours, le premier ministre rejoindra les autres dirigeants du monde pour le sommet du G7 à Hiroshima, au Japon. Hiroshima a été choisie comme lieu d’accueil pour symboliser l’engagement du Japon en faveur de la paix. Le 6 août 1945, 140 000 personnes ont perdu la vie lorsque les États-Unis ont largué la première bombe atomique sur Hiroshima, détruisant la ville et changeant notre monde à jamais.

Récemment, la Russie a menacé de déployer ses armes nucléaires en Ukraine. La découverte scientifique de la fission nucléaire a conduit certains à créer des armes pour détruire la vie, et d’autres à créer des technologies médicales pour sauver des vies.

Sénateur Gold, lundi, Sam Altman, le PDG d’OpenAI, a donné une conférence au Design Exchange à Toronto et, hier, lors d’une audience du comité des affaires judiciaires du Sénat américain, il s’est exprimé sur la surveillance de l’intelligence artificielle. Il a commencé son témoignage en disant qu’OpenAI avait été fondée sur la conviction que l’intelligence artificielle pouvait améliorer presque toutes les facettes de notre vie, mais aussi qu’elle entraînait des risques; par conséquent, nous devons travailler ensemble pour gérer ces risques. Il a ajouté qu’une intervention régulatrice de la part du gouvernement serait essentielle.

Sénateur Gold, vous avez parlé dans cette enceinte du projet de loi C-27 — il est actuellement étudié par un comité de la Chambre —, qui inclut la Loi sur l’intelligence artificielle et les données. Dans le cas d’autres technologies telles que le nucléaire, qui présentent à la fois des dangers et des promesses, nous avons mis en place des régimes internationaux solides pour les réglementer.

Sénateur Gold, pourriez-vous nous dire s’il y aura des discussions au sujet d’un cadre réglementaire international visant à établir des garanties contre les effets néfastes potentiels de l’intelligence artificielle au sommet du G7 à Hiroshima ou dans d’autres forums internationaux dans un avenir proche?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Honorables collègues, je ne peux pas fournir de détails sur les discussions qui pourraient avoir lieu ou qui auront lieu lors du Sommet du G7 à Hiroshima, mais on m’a informé que le gouvernement collabore avec ses partenaires du G7 pour qu’on se penche sérieusement sur la mise en place, à l’échelle nationale, d’un cadre réglementaire sur les risques liés à l’intelligence artificielle. On m’a indiqué par ailleurs que le gouvernement prend part à des discussions sur l’intelligence artificielle avec l’Organisation de coopération et de développement économiques et le Partenariat mondial sur l’intelligence artificielle. De plus, le ministre Champagne s’entretient directement avec des partenaires étrangers afin de coordonner les efforts en vue de la mise en place d’un cadre réglementaire sur l’utilisation responsable de l’intelligence artificielle.

La sénatrice Coyle : Sénateur Gold, j’aimerais maintenant poser une question sur les avantages de l’intelligence artificielle.

Les entreprises d’intelligence artificielle en démarrage connaissent une croissance tout simplement remarquable. Ce secteur connaît une croissance 14 fois plus rapide qu’en 2000, et rien n’indique que cette croissance diminuera de sitôt. Le marché mondial de l’intelligence artificielle est en plein essor, et selon les prévisions, sa valeur devrait atteindre 190 milliards de dollars d’ici 2025 et afficher un taux de croissance annuel composé de 36,62 %. D’ici 2030, l’intelligence artificielle devrait avoir un effet substantiel sur le PIB mondial — on parle d’une hausse remarquable de 15,7 billions de dollars — et faire croître l’économie mondiale de 14 %.

Sénateur Gold, je crois qu’il est crucial que des dispositions législatives fédérales soient en place pour encadrer le développement, le déploiement et l’utilisation éthique de l’intelligence artificielle. Cependant, étant donné que le Canada est bien établi dans le secteur mondial de la technologie, il a l’occasion de devenir un leader dans le domaine de la technologie de l’intelligence artificielle.

(1440)

Sénateur Gold, nous savons que la concurrence s’intensifie dans ce domaine. Pourriez-vous nous dire ce que fait le gouvernement fédéral pour positionner rapidement et durablement le Canada comme un chef de file de l’intelligence artificielle?

Le sénateur Gold : Je vous remercie d’avoir posé cette question et d’avoir souligné la croissance exponentielle — si on peut encore utiliser cet adjectif de nos jours — de l’intérêt pour la recherche-développement en intelligence artificielle de même que son effet transformateur sur la société canadienne.

Le Canada est déjà en très bonne posture grâce à son vaste réseau de chercheurs, de centres de recherche et de personnes de talent qui mènent des recherches de pointe. C’est certainement le cas dans la ville d’où je viens, Montréal, mais ailleurs aussi, comme vous le savez sans doute déjà. Cette avancée a été rendue possible grâce au soutien et aux investissements du gouvernement dans la recherche, les réseaux de recherche et la recherche fondamentale, en collaboration avec les universités, les provinces et les territoires.

Honorables sénateurs, le gouvernement entend tout faire pour que le Canada demeure en bonne posture dans ce domaine et dans divers autres et qu’il soit perçu comme un chef de file, pour le bien des Canadiens, alors que le monde poursuit son chemin dans la remarquable et révolutionnaire époque de l’information qui est la nôtre. Le gouvernement répondra toujours présent à cet égard.

Les ressources naturelles

La Stratégie canadienne en matière de feux de forêt

L’honorable Paula Simons : J’ai une question à poser au représentant du gouvernement. Cet après-midi, il y avait 91 feux de forêt en activité en Alberta, dont 15 feux de forêt majeurs, considérés par la province comme une menace pour la sécurité publique, les collectivités ou les infrastructures essentielles.

Tout d’abord, je tiens à remercier le gouvernement et la population du Canada d’apporter une aide militaire à l’Alberta en cette période d’urgence et je tiens à dire qu’en ce qui me concerne, je suis fière de vivre dans une confédération unie où les Canadiens se soutiennent les uns les autres lorsqu’il y a une crise régionale.

Cependant, monsieur le représentant du gouvernement, en 2005, la Stratégie canadienne en matière de feux de forêt prédisait bon nombre des périodes de sécheresse et des types d’incendies que nous observons de nos jours. Ed Struzik, journaliste et auteur d’Edmonton, qui est l’un des plus grands écrivains canadiens au sujet des feux de forêt, a qualifié cette stratégie d’« échec », ce qu’il attribue en partie à un manque de financement et à un manque d’adhésion de la part des premiers ministres et des provinces.

Face à l’augmentation des conséquences économiques, environnementales et humaines, pourriez-vous nous dire s’il est temps de renouveler la Stratégie canadienne en matière de feux de forêt et de l’appliquer?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. D’abord et avant tout, je sais que je parle au nom de tous les sénateurs en offrant notre soutien et nos encouragements à toutes les familles et les collectivités qui ont été évacuées en raison des ravages causés par ces incendies ou qui craignent de l’être. Le gouvernement fédéral, tout comme d’autres partenaires et des gouvernements provinciaux, est heureux et fier d’offrir l’aide qu’il peut à court terme.

En sujet de votre question, j’attirerai certainement l’attention du ministre responsable sur le sujet.

La sénatrice Simons : J’ai une question complémentaire. Les parcs nationaux en Alberta sont particulièrement vulnérables aux incendies de forêt — je pense aux parcs nationaux Banff, Jasper et Wood Buffalo. Je vous serais reconnaissante de nous faire part, à une date ultérieure et possiblement sous la forme d’une réponse écrite, des projets du gouvernement fédéral en ce qui concerne l’atténuation et l’extinction des incendies de forêt dans les parcs nationaux de l’Ouest canadien.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je transmettrai également cette question aux autorités compétentes.

Régie interne, budgets et administration

Les travaux du comité

L’honorable Scott Tannas : Ma question s’adresse à la sénatrice Moncion, présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.

Sénatrice Moncion, il y a quelques mois, le Sénat a accepté de cautionner, sous certaines conditions, un retour à ce que l’on appelle parfois le « modèle à un seul greffier », selon lequel le premier ministre nomme le greffier du Sénat par le truchement d’un processus de recrutement relevant de son autorité, comme c’est la tradition depuis plus de 100 ans. Parallèlement à cette nomination, le greffier du Sénat assume la direction et la responsabilité ultimes de l’administration du Sénat, tant sur le plan législatif qu’administratif. La condition exprimée par le Sénat était que nous conservions le droit, à l’avenir, de retirer au greffier la fonction de chef de l’administration et de confier cette responsabilité à une autre personne de notre choix, si nous le désirons.

Je me demande si vous avez été consultée ou si vous avez eu l’occasion d’examiner la description de poste proposée pour le nouveau greffier du Sénat et greffier des Parlements. Dans l’affirmative, êtes-vous convaincue que le droit du Sénat de supprimer unilatéralement le rôle de direction de l’administration est suffisamment clair pour tous les participants à la procédure de recrutement et d’embauche?

L’honorable Lucie Moncion : Je vous remercie de votre question, sénateur Tannas. Il est un peu difficile de répondre à la deuxième partie de votre question étant donné que ce poste est régi par le Règlement et la loi.

Le processus de recrutement et d’embauche ne relève pas du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Conformément à l’alinéa 130b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, le greffier est nommé par le gouverneur en conseil. Par conséquent, je ne peux répondre à la deuxième partie de votre question puisque nous n’avons pas encore le pouvoir auquel vous faites allusion pour démettre le titulaire de ses fonctions.

Pour ce qui est de la première partie, qui porte sur la description de poste du nouveau greffier, je suis convaincue que le processus en cours respectera le fonctionnement de notre institution. Comme vous le savez, une grande partie des tâches du greffier sont dictées par la loi et décrites dans notre Règlement. Je vous invite à consulter ce que dit le Règlement du Sénat au sujet du greffier. Jusqu’à présent, nous avons reçu la description de poste, laquelle s’aligne avec celle de son pendant de la Chambre des communes. Cet examen a été effectué il y a quelques mois et portait également sur l’échelle salariale.

Je me suis aussi occupée de demander à l’ancien Président, avant qu’il quitte le Sénat, de communiquer avec le Bureau du Conseil privé concernant quelques dossiers qui n’ont toujours pas été réglés, notamment la nomination du greffier du Sénat. Le Président s’est renseigné et m’a informée que le processus serait enclenché en temps voulu. Il reste à savoir ce qu’on entend par « en temps voulu ».

Le sénateur Tannas : Je veux être certain de bien comprendre. Dites-vous qu’en plus de la motion qui a été adoptée au Sénat et qui stipulait que le Sénat est maître de son administration et que, selon la tradition, une partie du contrôle est déléguée au greffier, mais que les sénateurs se réservent le droit de reprendre le contrôle entier, eh bien dites-vous que le processus n’était pas clair ou que nous devrions changer d’autres règles? Est-ce bien ce que vous dites? Que la motion que nous avons produite n’est pas valide et que nous devons aller plus loin ou parler un peu plus fort pour nous assurer qu’il n’y ait pas de malentendu avec la personne qui sera chargée d’embaucher le greffier du Sénat?

La sénatrice Moncion : Merci, encore une fois, de votre question. Il y a beaucoup de règles dans la Loi sur le Parlement du Canada et je ne crois pas que la motion modifie la Loi sur le Parlement du Canada en ce qui a trait au processus d’embauche.

[Français]

L’innovation, les sciences et le développement économique

L’intelligence artificielle et les données

L’honorable Andrew Cardozo : Madame la Présidente, tout d’abord, je dois dire que je suis très honoré de poser une question au cours de votre première semaine en tant que Présidente du Sénat. Félicitations.

Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

[Traduction]

Je voudrais poser une question au sujet de l’intelligence artificielle pour faire suite en quelque sorte à celle posée par ma collègue plus tôt. Cette technologie évolue depuis de nombreuses années, mais c’est vraiment de 2023 dont on se souviendra dans l’histoire en tant qu’année où l’intelligence artificielle a franchi un cap et est possiblement devenue plus intelligente que les humains. Il y a eu ChatGPT, et bientôt GPT-4 qui arrivera, et les lettres inimaginables publiées le 29 mars par les propriétaires et les inventeurs de l’intelligence artificielle qui demandaient à tout le monde de ralentir la cadence. Même Geoffrey Hinton, qu’on appelle souvent le parrain de l’intelligence artificielle, a demandé, la fin de semaine dernière sur les ondes de CBC Radio, aux gouvernements d’intervenir et d’imposer un cadre à l’intelligence artificielle. Je répète : les inventeurs de l’intelligence artificielle demandent au gouvernement d’intervenir pour freiner l’évolution de leur invention, qui semble vouloir échapper à tout contrôle. Cette semaine, je vous transmettrai un article sur ce sujet et sur la polarisation suscitée par l’intelligence artificielle rédigé par Shawn Brayman, un spécialiste des technologies logicielles.

(1450)

Qu’est-ce que le gouvernement est prêt à faire pour maîtriser la situation dans le monde de l’intelligence artificielle où nous vivons et qui semble vouloir échapper à tout contrôle?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Chers collègues, comme vous le savez et comme l’a dit la sénatrice Coyle dans sa question, le gouvernement a présenté le projet de loi C-27, qui mettra en œuvre la Charte du numérique et dont une partie édictera la Loi sur l’intelligence artificielle et les données. Nous disposerons alors d’un cadre pour atténuer les risques associés à l’intelligence artificielle de même que ses effets néfastes, ici au Canada, et pour bien gérer les risques associés aux systèmes d’intelligence artificielle à incidence élevée.

Je crois également savoir que, dernièrement, le ministre Champagne a convoqué une réunion d’urgence du Conseil consultatif en matière d’intelligence artificielle justement dans le but de discuter d’intelligence artificielle générative et d’obtenir l’avis des spécialistes sur la voie que devrait prendre le Canada pour que l’intelligence artificielle soit utilisée de manière responsable.

Le sénateur Cardozo : J’ai une question complémentaire. J’aimerais approfondir un peu plus un des points abordés par M. Brayman dans son article. Selon lui, de 400 à 800 millions d’emplois pourraient disparaître en très peu de temps dans le monde à cause de l’intelligence artificielle. Comment peut-on se préparer à un tel changement de société? Craignez-vous qu’un bouleversement économique d’une telle ampleur puisse créer de l’instabilité et susciter la polarisation?

Le sénateur Gold : C’est une grande question. Comme je l’ai dit dans ma réponse à la sénatrice Coyle, il est indéniable que si la révolution industrielle a transformé la société dans les siècles passés, la révolution de l’information, qui a débuté il y a déjà plusieurs décennies, semble aujourd’hui avoir des conséquences encore plus dramatiques et rapides. Toute transformation provoque des bouleversements et des changements; on le constate non seulement dans ce domaine, mais dans l’économie en général tandis que notre monde entreprend une transition qui le fera passer d’une importante dépendance aux combustibles fossiles à d’autres formes d’énergie.

Le gouvernement s’occupe activement de ce dossier, notamment en ce qui concerne les risques, et je suis persuadé qu’il saura gérer les répercussions économiques des transformations qui ne manqueront pas de suivre la progression de l’intelligence artificielle dans tous les aspects de notre vie.

[Français]

L’environnement et le changement climatique

Les déchets toxiques

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, hier je vous posais des questions concernant le déversement de produits toxiques dans le lac des Deux Montagnes, source d’approvisionnement en eau de centaines de milliers de personnes. Vous m’avez répondu, entre autres, et je cite : « [...] le gouvernement ne se traîne pas les pieds. Le gouvernement reconnaît qu’il s’agit d’une situation très grave. » Or, dans l’un des articles de La Presse, dont j’ai cité des extraits hier, on peut lire également ce qui suit :

Les déversements que La Presse a constatés à deux reprises ce printemps ne sont pas uniques. Le 1er août 2020, une brèche au même endroit, en pleine période de chaleur estivale, avait permis à des milliers de litres d’eau puante et « noire comme du goudron » de s’écouler dans les mêmes ruisseaux, jusqu’au lac des Deux Montagnes.

À Ottawa, l’affaire a déclenché un avis du Centre national d’urgence environnementale. Quelque 225 fonctionnaires d’Environnement Canada ont été alertés de l’évènement, montrent des échanges de courriels obtenus à la suite de demandes d’accès à l’information. Des notes manuscrites d’un inspecteur fédéral indiquent que « l’attention du Bureau du PM », le premier ministre Justin Trudeau, devait être attirée sur l’affaire.

Monsieur le leader, j’ai cette note avec moi. La question est simple : le Cabinet du premier ministre a-t-il été alerté à la suite de ces déversements inquiétants à Kanesatake? Dans l’affirmative, quelles mesures ont été ordonnées par le Cabinet du premier ministre? Dans la négative, pourquoi pas?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : J’ai aussi suivi la question avec intérêt, concernant le même article. On m’a avisé que le gouvernement travaille avec le grand chef Bonspille et le conseil mohawk de Kanesatake pour trouver des moyens pour atténuer les impacts environnementaux potentiels des problèmes liés au site, tels que les fuites d’eau et les fumées toxiques, et en fin de compte, de réhabiliter le site.

Le gouvernement du Canada est d’accord sur le fait qu’une solution est nécessaire. Il est également préoccupé par les conséquences de cette situation sur la communauté, laquelle a aussi des défis à l’intérieur de sa gouvernance. On m’a aussi avisé que la ministre Hajdu a rencontré le grand chef Bonspille à ce sujet et que les fonctionnaires ont continué de travailler avec la communauté pour trouver une solution.

Bien sûr, chers collègues, la situation est complexe et inquiétante. Comme il s’agit en partie d’un terrain privé, les instruments juridiques du gouvernement sont limités pour pouvoir intervenir. Le gouvernement continue de travailler avec le grand chef pour proposer des solutions à la communauté et il continue de travailler en étroite collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada, avec la province de Québec et aussi avec le grand chef et son conseil pour trouver une solution permanente.

Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, j’ajoute une précision : il ne s’agit pas seulement de fuites d’eau, mais aussi de lixiviat. Connaissez-vous la différence entre les deux? Je n’en prendrais pas une tasse, c’est certain. Cela fait trois ans que le gouvernement est inerte face à cette catastrophe environnementale. Le Cabinet du premier ministre semble avoir été avisé, 225 fonctionnaires ont été avisés. Dans La Presse, ce matin, on lit le titre « Silence radio à Ottawa ». Selon ce que vous me dites, vous êtes encore en train de parler et non d’agir. Comment puis-je rassurer les citoyens de ma région afin qu’ils ne se sentent pas abandonnés par ce gouvernement?

Le sénateur Gold : Merci pour la question. Je le répète, le gouvernement travaille en étroite collaboration avec le leadership de la communauté et avec la province de Québec, afin de redresser cette situation qui est dangereuse, difficile et inacceptable.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’honorable Brent Cotter propose que le projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-22. J’aimerais ouvrir une parenthèse pour vous transmettre mes félicitations, madame la Présidente, mais aussi pour souligner que j’en fais davantage que mes collègues pour vous remercier. J’ai lancé une modeste collecte de fonds entre nous tous afin de vous offrir une paire de gants d’une taille plus petite.

Pour en revenir aux choses sérieuses, je parlerai brièvement du projet de loi et de quatre ou cinq amendements qui ont été adoptés par le Comité des affaires sociales. En vue de respecter les objectifs du projet de loi et par souci de rapidité, je vous invite à adopter la version actuelle du projet de loi, sous sa forme modifiée.

J’ai préparé deux discours et, pour être fidèle à mon propre appel à la rapidité, j’ai choisi de prononcer le plus court des deux. Je crois que vous m’en serez reconnaissants.

Dès que ce projet de loi s’appliquera — c’est-à-dire quand la réglementation aura été élaborée et que les personnes handicapées commenceront à recevoir les prestations — nous aurons réalisé un exploit dont tous les sénateurs pourront être fiers. Afin d’y parvenir, ce projet de loi doit être adopté, et nous devons le faire sans tarder.

En ce qui concerne le projet de loi et les amendements, permettez-moi de commencer par dire que, comme à l’autre endroit, je crois que nous soutenons unanimement les sentiments et des objectifs énoncés dans le projet de loi C-22. Cela était manifeste dans les discours des sénateurs à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi et dans chacune des interventions lors de l’examen du projet de loi par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Évidemment, force est de reconnaître que tous les amendements proposés au comité, notamment ceux qui ont été adoptés, visaient à renforcer et à améliorer le projet de loi.

(1500)

Comme vous le savez, ce projet de loi est une mesure-cadre qui habilite le ministre et le gouvernement à élaborer, en étroite collaboration avec la communauté des personnes handicapées, un régime de prestations d’invalidité, par voie de règlement, en vertu des dispositions de l’article 11. Les détails de cette mesure ainsi que les amendements et les discussions dont elle fait l’objet dans cette enceinte sont suivis de près par un groupe qui a pour intérêt commun l’adoption de cette mesure. Pour des milliers de personnes, la mise en œuvre de ce projet de loi est vitale pour améliorer leur sort. Je crois que nous visons tous cet objectif.

Néanmoins, divers amendements qui sont proposés posent des défis. Je voudrais en souligner quelques-uns. Certains d’entre nous ont des réserves à l’égard de ces amendements. Vous vous rappelez peut-être qu’il y a eu dissidence lors du vote portant sur l’adoption du rapport du comité. Quoi qu’il en soit, j’exhorte tous les sénateurs à adopter le projet de loi, tel qu’amendé, pour que nous puissions le renvoyer à l’autre endroit le plus rapidement possible.

Je passe maintenant à des dispositions précises, en commençant par la disposition d’entrée en vigueur. Si vous suivez le texte, il s’agit de l’article 14. Le comité a adopté un amendement afin d’améliorer la disposition d’entrée en vigueur. Le projet de loi disait seulement que la loi devait entrer en vigueur au plus tard un an après sa sanction, mais sans préciser qui pouvait faire en sorte qu’elle entre en vigueur plus tôt. L’amendement proposé par le sénatrice Petitclerc précise que la date d’entrée en vigueur, au plus tard un an après la sanction royale, doit être fixée par le Cabinet. Le projet de loi n’a pas changé, mais on a précisé qui pouvait le faire entrer en vigueur.

Deuxièmement, et en rapport avec le calendrier, un amendement adopté par le comité exige que les règlements soient mis en place dans les 12 mois suivant l’entrée en vigueur du projet de loi. Il s’agit de l’article 11 et du nouveau paragraphe 1.2. Cet amendement part d’une bonne intention, mais, à mon avis, il pose problème. Si la ministre et le gouvernement sont résolus à mettre en œuvre le projet de loi C-22 dans les délais impartis, et que la ministre souhaite que cela se fasse dans les 12 mois, cet amendement donne en fait au gouvernement — s’il devait se conformer à la lettre de la loi — plus de temps que nécessaire pour mettre en œuvre le projet de loi. En effet, l’amendement ajoute 12 mois aux 12 mois précédant l’entrée en vigueur du projet de loi. Je suis persuadé que nous parviendrons à la mise en œuvre bien avant cela et que l’amendement ne sera plus pertinent, mais c’est un message pour le moins malheureux à envoyer.

Troisièmement, le projet de loi ajoute, à l’article 11, des considérations supplémentaires que le ministre doit prendre en compte en ce qui concerne le montant de la prestation. Il s’agit tout d’abord de références au seuil officiel de la pauvreté — un chiffre précis qui figurait déjà dans le projet de loi — ainsi qu’à quatre autres considérations, à savoir les coûts supplémentaires liés à la vie avec un handicap, les difficultés rencontrées pour gagner sa vie, les besoins intersectionnels des personnes et des groupes défavorisés et les obligations internationales en matière de droits de la personne.

Encore une fois, ces considérations sont sincères, mais des inquiétudes demeurent. Premièrement, la terminologie est problématique, puisque, de nos jours, on ne parle pas de personnes « vivant avec un handicap ».

Deuxièmement, dans l’article qui demande de prendre en considération les besoins des personnes et des groupes défavorisés, je pense savoir ce qui était voulu. Alors que le concept de « handicap » est compris et défini dans la mesure législative, le mot « défavorisé » ne l’est pas, et son sens littéral nous amènerait, d’après moi, bien au-delà des objectifs du projet de loi, qui sont nettement articulés dans le projet de loi et dans son préambule.

L’autre problème est une difficulté d’ordre technique pour le ministre. Cette disposition exige à présent que le ministre tienne compte de ces quatre facteurs pour déterminer le montant de la prestation. Si nous voulons que les choses soient faites sérieusement, le ministre peut s’appuyer sur le seuil de pauvreté, y faire référence et le prendre en considération, car il s’agit d’une donnée précise. Or, la capacité à chiffrer les « coûts supplémentaires associés au fait de vivre avec un handicap » et, lorsque l’on pense au large éventail de handicaps qui existent, à quantifier la difficulté qu’ont les personnes handicapées à gagner un revenu d’emploi — une considération là encore très variable — et à quantifier les besoins intersectionnels est un aspect complexe. Ces aspects doivent être mieux connus, mieux compris, et mieux étudiés qu’ils ne le sont aujourd’hui. De façon réaliste, le fait d’exiger du ministre qu’il prenne honnêtement et sérieusement en considération les données quantitatives relatives à ces considérations, et ce dans les délais urgents que nous attendons tous, revient à lui en demander beaucoup, voire à lui demander l’impossible. Quoi qu’il en soit, le préambule fait clairement référence à tous ces facteurs, même s’ils n’ont pas le poids que leur confère cet amendement.

En quatrième vient l’amendement qui crée le nouvel article 10.1 et qui officialise le droit d’appel. L’article 11 du projet de loi traite déjà des appels, mais d’aucuns estimaient qu’il était de nature discrétionnaire. C’est vrai, mais c’est ainsi qu’est structuré le pouvoir de réglementation du gouvernement. En fait, le montant de la future prestation sera établi de manière discrétionnaire si on considère que les principes de rédaction des règlements comportent une certaine marge de manœuvre. On pourrait même avancer qu’en théorie, le Cabinet pourrait simplement décider de ne pas prendre de règlement mettant la future prestation en œuvre. Sans vouloir manquer de respect à qui que ce soit, je crois que c’est irréaliste. Quoi qu’il en soit, pour ce type de prestation, il y a toujours un processus d’appel, qu’il soit inscrit ou non dans la loi, car il s’agit d’un principe de justice naturelle. Je répète donc qu’à mon avis, même si cet amendement part de bonnes intentions, il n’est pas nécessaire.

Il y a un autre aspect préoccupant. Cet amendement crée deux catégories d’appel : une pour l’admissibilité à la prestation et une autre pour le montant de celle-ci. Selon ce qu’on m’a dit, les prestataires pourraient avoir beaucoup d’autres raisons de vouloir faire appel sans que ces raisons tombent dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. Le problème, c’est qu’en inscrivant dans la loi qu’il existe deux motifs d’appels et seulement deux, on exclut d’office tous les autres motifs possibles. Or, ce qu’exclut une loi ne peut pas être inclus de nouveau par son règlement d’application.

J’en arrive à ma cinquième et dernière observation sur les amendements, mais d’abord un peu de contexte. Comme des membres du comité, des témoins et même certains sénateurs l’ont noté à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-22 au Sénat, il existe d’importantes réserves concernant l’efficacité de la prestation, qui risque d’être érodée ou récupérée par les provinces ou d’autres fournisseurs de prestations, les compagnies d’assurance par exemple. En effet, des gens qui reçoivent déjà d’autres prestations pourraient être admissibles à la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Si je me souviens bien, la sénatrice Duncan m’a gentiment questionné sur ce point en février.

J’aimerais dire d’emblée qu’il s’agit d’une préoccupation légitime et sérieuse, et ce, pour deux raisons. Premièrement, des gouvernements provinciaux ou territoriaux pourraient réduire leur soutien aux prestataires parce qu’ils bénéficieraient de la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Deuxièmement, il serait possible — et même probable — que les assureurs privés en fassent autant. Selon des témoignages entendus au comité, il s’agit déjà d’une pratique suffisamment répandue dans les contrats d’assurance visant des handicaps pour qu’elle suscite des inquiétudes. En ce qui me concerne, je considère ces préoccupations légitimes et sérieuses. Personne ne souhaite que les assureurs deviennent les bénéficiaires, même en partie, de la prestation pour les personnes handicapées.

À la lumière de ces éléments, et à la demande de certains témoins, un amendement a été proposé au comité et adopté, de sorte que l’article 9 de la loi comprend désormais ce qui suit :

Toute prestation versée sous le régime de la présente loi :

c.1) ne peut être recouvrée ou retenue, en tout ou partie, aux termes d’un contrat, d’un régime d’assurance ou d’un autre instrument semblable [...]

Je comprends tout à fait l’intention derrière cet amendement, mais j’ai deux préoccupations. La première concerne la formulation proposée. Vous vous souviendrez que la formulation dit que la prestation « ne peut être recouvrée ou retenue ». Or, les compagnies d’assurance ne recevront jamais directement la prestation d’invalidité ou n’y auront jamais droit, de sorte qu’elles n’auront rien à retenir ou à recouvrer.

(1510)

Deuxièmement, cet amendement, même s’il part d’une bonne intention — à laquelle je souscris —, constitue une intrusion dans un champ de compétence provinciale et, partant, une violation de la Constitution.

Les arguments avancés par les témoins qui ont comparu lors de l’examen article par article suggèrent que l’amendement respecte la Constitution au regard du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral ou de l’engagement du Canada au titre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Or, ces arguments ne présentent pas de façon exacte la portée du pouvoir fédéral et ajoutent au projet de loi un élément litigieux qui engendre une problématique liée au respect de la Constitution et des champs de compétence des provinces.

Quoi qu’il en soit, il reste très peu de temps pour faire adopter ce projet de loi dans cette enceinte et à l’autre endroit. Ainsi, même si vous avez des réserves à l’égard de cette mesure, je vous exhorte à donner votre aval.

Je m’en voudrais de ne pas remercier à nouveau les nombreuses personnes handicapées, dirigeants d’organismes pour les personnes handicapées et tant d’autres personnes de bonne volonté qui ont communiqué avec moi au sujet de cette mesure. Je remercie également la porte-parole du projet de loi, la sénatrice Seidman; les membres du comité, et chacun d’entre nous, pour avoir prodigué des conseils, exprimé des préoccupations et appuyé de façon inconditionnelle les objectifs de ce projet de loi. Enfin, je remercie le comité de s’être penché avec diligence sur cette mesure législative.

Nous posons un geste important aujourd’hui en appuyant ce projet de loi en vue de son adoption. Je suis honoré de participer à cette grande entreprise.

Merci, hiy hiy.

[Français]

L’honorable Judith G. Seidman : Félicitations pour votre nomination, madame la Présidente, et bon courage.

[Traduction]

Honorables sénateurs, c’est à titre de porte-parole de l’opposition que je parlerai aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu.

Je remercie mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie d’avoir étudié attentivement ce projet de loi. Je remercie notre présidente, la sénatrice Omidvar, pour la manière dont elle dirige les travaux du comité, et je remercie aussi le parrain du projet de loi, qui était déterminé à le faire adopter le plus rapidement possible.

Je suis également reconnaissante aux personnes handicapées qui sont venues témoigner et qui ont su expliquer avec éloquence à quel point ce projet de loi est important pour elles.

Comme vous venez de l’entendre, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a apporté six amendements au projet de loi C-22. J’en appuie deux : le premier est un amendement de forme portant sur la date d’entrée en vigueur de la loi et vise à corriger une erreur qui s’est glissée dans le texte pendant l’étude article par article du comité de l’autre endroit. La deuxième porte davantage sur le fond du projet de loi.

Il y a quatre ans, le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et le Sénat ont ajouté des délais à la Loi canadienne sur l’accessibilité, et maintenant, cette année, nous avons ajouté des délais à la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées. En effet, nous avons amendé ce projet de loi, à l’article 11, afin d’exiger que le gouverneur en conseil prenne les règlements nécessaires dans les 12 mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, pour permettre le versement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées sous le régime de cette loi. Avec ce délai, on aura l’assurance que les règlements seront pris rapidement, conformément aux recommandations des défenseurs des droits des personnes handicapées.

Parmi les témoins que nous avons entendus, David Lepofsky, de l’Alliance de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, est probablement celui qui a insisté le plus sur l’importance de ce délai en disant ceci :

Tout dépend du règlement, mais il n’y a pas de date limite pour l’adoption du règlement. Il y a six mois, la ministre a dit qu’il lui fallait un an, et qu’il n’est pas nécessaire d’attendre jusqu’à l’adoption du projet de loi. Ils s’occupent du travail politique actuellement. [...] Donc, fixez [le délai] à un an [...] Fixez une date limite.

Ce délai de 12 mois correspond à l’estimation que la ministre Qualtrough a donnée au comité et aux médias.

En effet, le 22 mars, en réponse à une question de la sénatrice Osler, la ministre Qualtrough a dit :

Compte tenu de tout le travail que nous avons déjà fait — c’est-à-dire les consultations massives, les sondages, le financement des organisations nationales pour communiquer avec leurs membres et leurs collectivités afin d’obtenir des commentaires —, nous prévoyons un délai réglementaire de 12 mois.

De plus, cet amendement permet une meilleure reddition de comptes et fournit un paramètre pour mesurer les progrès réalisés.

Comme vous l’avez déjà entendu, d’autres amendements ont été présentés au comité, dont un grand nombre sont importants et défendus par des membres de la communauté des personnes handicapées. Pourtant, comme je l’ai dit dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, le plus grand défi découle peut-être du fait que le gouvernement a présenté une loi habilitante, qui établit un cadre réglementaire et qui délègue la tâche d’en fixer les détails au moyen de règlements. Au lieu d’établir les détails d’une politique qui sera inscrite dans la loi, le projet de loi laisse la responsabilité aux autorités de réglementation qui conseillent le Cabinet et le ministre.

Le site Web de Santé Canada décrit les liens entre un règlement et une loi de la façon suivante :

Un règlement est une forme de loi, parfois appelé législation subordonnée, qui définit l’application et l’exécution de la loi. Il est pris sous le régime d’une loi, appelée loi habilitante. Les règlements sont adoptés par l’organe auquel le pouvoir de prendre des règlements a été délégué dans la loi habilitante, par exemple le gouverneur en conseil [ou] un ministre [...]

Les règlements qui en découlent sont appelés des décrets-lois. Comme l’expliquent Marc Bosc et André Gagnon au chapitre 17 de la troisième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes :

Certaines lois du Parlement délèguent aux ministres, ministères, conseils, commissions ou autres organismes le pouvoir d’établir et d’appliquer des mesures législatives subordonnées définies seulement en termes généraux dans les lois. Le terme « décret-loi » est utilisé pour désigner ces règlements, décrets, règles, règlements administratifs et autres instruments.

Honorables sénateurs, de telles lois habilitantes modifient fondamentalement notre rôle parlementaire.

L’emploi de décrets-lois au Canada continue de susciter des débats depuis la Confédération. Je suis redevable à Laura Blackmore, l’analyste de la Bibliothèque du Parlement qui travaille pour le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, d’avoir partagé des ressources avec notre comité, nous permettant ainsi de mieux comprendre l’utilisation de ces pouvoirs.

Le professeur Lorne Neudorf, rédacteur en chef du Canadian Journal of Comparative and Contemporary Law et doyen adjoint de la Faculté de droit de l’Université La Trobe à Melbourne, en Australie, est sur le point d’achever une étude comparative pluriannuelle sur le contrôle parlementaire des décrets-lois en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni. Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Dans un article intitulé « Reassessing the Constitutional Foundation of Delegated Legislation in Canada », publié en 2018 dans le Dalhousie Law Journal, le professeur Neudorf retrace la jurisprudence canadienne en matière de pouvoirs délégués. Voici ce qu’il écrit :

S’il peut y avoir d’importants avantages pour le Parlement à déléguer certains pouvoirs législatifs, par exemple permettre la rédaction rapide de règles détaillées pour répondre à de nouvelles circonstances et faire gagner du temps au Parlement et ménager ses ressources en vue des débats sur des politiques clés, cela implique également des préoccupations réelles quant à la reddition de comptes, ainsi qu’à la qualité et à la transparence d’un processus législatif mené en grande partie derrière des portes closes.

La délégation fait en sorte que d’importantes décisions qui affectent le pays entier peuvent être prises dans le cadre d’un processus qui exclut le Parlement et qui ne reflète pas le caractère conféré à ce dernier dans la Constitution — notamment en ce qui a trait à la démocratie, à la représentativité et à la responsabilité. Ce sont ces qualités qui ont fait que les fondateurs ont placé le Parlement au centre du processus législatif fédéral [...]

Le projet de loi C-22 envoie presque tout dans la cour de la réglementation, mais en plus, on nous presse de l’adopter le plus rapidement possible.

Ceux qui voulaient que le projet de loi soit adopté sans qu’aucune question ne soit posée ont trouvé que l’étude menée par le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie avait été longue — huit réunions où des témoins ont été entendus et d’autres réunions pour l’étude article par article. Or, huit réunions de témoignages ne suffisent pas pour élaborer une politique. Si le gouvernement avait présenté un projet de loi plus approprié — précisant soigneusement les critères d’admissibilité, les conditions à remplir pour toucher les prestations, le montant des prestations, le processus d’appel, l’échéancier, et cetera —, le Comité des affaires sociales aurait entendu des témoignages sur les dispositions détaillées et le Sénat aurait pu véritablement faire un second examen objectif de cette mesure législative. Au lieu de cela, nous avons dû nous contenter d’en faire une étude très générale.

(1520)

Où cela nous mène-t-il?

Les tribunaux ont maintenu que les décrets-lois sont constitutionnels, mais, dans les décisions qu’ils ont rendues, ils ont souligné l’importance de la surveillance parlementaire. Comme le professeur Lorne Neudorf le souligne en ce qui concerne la décision Hodge c. La Reine, rendue en 1883, le Comité judiciaire du Conseil privé, le plus haut tribunal du Canada à l’époque, avait conclu qu’il incombait au Parlement de superviser le pouvoir exécutif en prenant des décrets-lois.

Le professeur Neudorf note également que dans l’arrêt In Re Gray de 1918, le juge en chef Fitzpatrick et le juge Duff ont déclaré :

La disponibilité constante de la surveillance parlementaire et, dans la mesure nécessaire, le contrôle du pouvoir exécutif ont dissipé la crainte que le pouvoir exécutif n’usurpe celui du Parlement [...]

En ce qui concerne la décision rendue en 1943 dans l’affaire Chemicals Reference, le professeur Neudorf a écrit ceci :

La Cour suprême a confirmé la constitutionnalité des aspects importants de la loi, mais les juges ont souligné qu’il incombait au Parlement d’exiger que le pouvoir exécutif rende des comptes, en exerçant une surveillance et un contrôle du recours aux décrets-lois.

Bref, aux yeux des tribunaux, les décrets-lois sont constitutionnels, pourvu que le Parlement fasse son travail et garde un œil attentif sur la réglementation. Si nous adoptons cette mesure législative, c’est à nous que reviendra cette responsabilité de supervision parlementaire. Autrement, c’est que nous aurons abdiqué notre responsabilité. Autrement dit, si nous adoptons le projet de loi C-22 maintenant, nous confierons le premier volet de la surveillance aux personnes handicapées.

Le gouvernement s’est engagé à les consulter lorsqu’il rédigera le règlement d’application. J’estime que ce sont encore les personnes handicapées qui sauront le mieux faire valoir leurs intérêts et leurs points de vue, en plus de guider le gouvernement pour que ce processus aboutisse le plus rapidement possible, quitte à exercer la pression qui s’impose. Sauf qu’au final, c’est à nous de demander des comptes au gouvernement.

Honorables sénateurs, j’attire votre sur l’article 12 du projet de loi C-22. Voici ce qu’il dit :

Dès que possible après le premier anniversaire de la date d’entrée en vigueur du présent article, après le troisième anniversaire de cette date et après chaque cinquième anniversaire par la suite, le comité du Sénat, de la Chambre des communes ou des deux chambres désigné ou constitué à cette fin entreprend l’examen des dispositions et de l’application de la présente loi.

J’aimerais également ajouter la mise en garde suivante pour ce qui est de notre propre histoire en matière d’examens parlementaires. Charlie Feldman, dont nous nous souvenons tous, j’en suis sûr, qui était le conseiller parlementaire du Sénat, a publié en mars 2022 dans la Revue de droit parlementaire et politique un article intitulé « Much Ado about Parliamentary Review », ou beaucoup de bruit autour de l’examen parlementaire. M. Feldman a relevé les dispositions des lois fédérales qui prévoient expressément l’examen d’un texte législatif, ou de parties de celui-ci, par un comité parlementaire. Dans son examen de la période allant de janvier 2001 à juin 2021, il a trouvé 51 dispositions de ce type exigeant qu’un comité examine la loi à un moment ultérieur. Cependant, il a découvert que de nombreux examens n’ont jamais eu lieu et que de nombreux rapports sur les examens législatifs sont en retard de plusieurs années. Au moment de la rédaction de son rapport en 2022, seuls 17 de ces 51 examens avaient donné lieu à un rapport.

M. Feldman indique que :

[…] il se peut que les examens n’aient pas lieu en partie parce que l’absence d’examen ne semble pas entraîner de conséquences significatives.

Honorables collègues, nous devrions nous considérer comme avertis. Nous devons faire mieux pour garantir l’examen parlementaire de ce texte législatif au moment de sa promulgation, ainsi que l’examen de tous les textes législatifs qui prévoient un processus d’examen assorti d’un délai.

Au sujet de nos observations, brièvement, je dirais que, selon moi, il peut être plutôt futile d’inclure de nombreuses observations dans notre rapport d’étude d’un projet de loi. Toutefois, puisque ce projet de loi ne comporte que de grandes lignes, le comité a jugé important d’attirer l’attention sur des questions pertinentes soulevées par les témoins issus de la communauté des personnes handicapées. Vous avez déjà entendu ces observations. Elles se trouvent dans le rapport du Comité des affaires sociales et la sénatrice Omidvar, présidente du comité, en a discuté hier.

Honorables collègues, en terminant, bien que le projet de loi C-22 soit une loi habilitante dépourvue de détails, il s’agit également d’une occasion exceptionnelle, et la communauté des personnes handicapées l’appuie fermement. Comme l’a déclaré au comité Amélie Duranleau, directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle :

Ce projet de loi pourrait jouer un rôle déterminant pour sortir de la pauvreté des personnes en situation de handicap partout au pays. En ce sens, il s’agit d’une occasion qui ne s’est pas présentée depuis des décennies.

Adoptons dès maintenant le projet de loi C-22, tel que modifié, et espérons que l’autre endroit ne tardera pas à nous communiquer sa réponse. Plus vite ce sera fait, plus vite le gouvernement et la communauté pourront entamer le processus de prise de règlements. Cela dit, n’oublions pas notre rôle essentiel, voire notre responsabilité d’examiner ces règlements et d’exiger des comptes de la ministre et du Cabinet.

Merci.

Son Honneur la Présidente : Je vois que la sénatrice Wallin a une question. La sénatrice Seidman accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Seidman : Oui.

L’honorable Pamela Wallin : Merci.

Je n’ai pas examiné le projet de loi dans le détail. Existe-t-il une disposition relative à un délai concernant la consultation ou l’élaboration de règlements qui permettrait au comité — et au Sénat — d’avoir le sentiment qu’ils auront l’occasion d’examiner le résultat de ce processus?

La sénatrice Seidman : Je vous remercie, sénatrice. Comme le sénateur Cotter et moi l’avons mentionné, le comité a adopté un amendement prévoyant un délai. Le délai est la période au cours de laquelle le gouvernement doit prendre les règlements — c’est ce que le délai établit.

La sénatrice Wallin : Est-ce que cela vous satisfait?

La sénatrice Seidman : Tout à fait.

Je crois avoir dit dans mon discours que nous avions entendu de nombreuses parties prenantes, en particulier M. David Lepofsky, qui a clairement indiqué que nous avions besoin de fixer un délai, comme nous l’avions fait pour la Loi canadienne sur l’accessibilité. Nous avons ajouté ce délai.

Et oui, cela me satisfait. Merci.

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire ancestral et non cédé du peuple algonquin anishinabe dans le cadre du débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-22, que j’ai appuyé à l’étape de la deuxième lecture.

Avant de plonger dans le vif du sujet, j’aimerais me joindre à mes collègues pour féliciter la Présidente Raymonde Gagné de sa nomination à un poste qui est essentiel au Sénat. Votre Honneur, je suis persuadée que vous saurez exécuter vos tâches avec toute la dignité et la sagesse pour lesquelles vous êtes reconnue.

Je reviens maintenant au sujet du moment. À l’occasion de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, prononcé le jour de la Saint-Valentin, j’avais dit ceci :

Le projet de loi C-22 a été adopté à l’unanimité à la Chambre après une étude détaillée et des amendements. Notre tâche n’est pas de retarder indûment le projet de loi; toutefois, en même temps, nous devons travailler efficacement pour nous acquitter de notre responsabilité d’adopter une loi permettant la création d’une prestation canadienne pour les personnes handicapées qui soit robuste et qui aura les résultats escomptés, à savoir de réduire considérablement la pauvreté et de soutenir la sécurité financière des personnes handicapées. Autrement dit, une loi qui répond clairement aux attentes des personnes handicapées.

Chers collègues, de nombreuses personnes aux prises avec divers handicaps vivent dans la pauvreté au Canada en ce moment. Tous s’accordent pour dire qu’il est urgent de mettre en place cette prestation et de faire en sorte que l’argent dont ils ont tant besoin leur parvienne le plus rapidement possible.

(1530)

Honorables collègues, nous avons entendu hier la présidente du Comité des affaires sociales, la sénatrice Ratna Omidvar, présenter le rapport du comité sur le projet de loi C-22. Elle a parlé avec respect et gratitude des nombreux témoins qui ont contribué aux travaux du comité et l’ont ainsi aidé à étudier et à améliorer le projet de loi C-22. Je me joins à elle pour remercier les témoins, en particulier les personnes handicapées et l’ensemble de la communauté des personnes handicapées du Canada, qui nous ont fourni des conseils très clairs et très constructifs à propos de cet important projet de loi.

Je ne suis pas membre du Comité des affaires sociales, et je n’ai pas pu assister à ses réunions parce que les travaux du Comité des affaires étrangères se déroulaient au même moment. Cela dit, un de mes collègues, Ben Gormley, a assisté aux réunions pour étudier cet important projet de loi à ma place. J’ai lu la plupart des comptes rendus, particulièrement la discussion qui s’est déroulée lors de l’examen article par article.

Chers collègues, je tiens à féliciter tous les membres du Comité des affaires sociales pour leur travail acharné, leur dévouement et leur engagement. J’ai pu lire dans les comptes rendus que beaucoup de membres du comité avaient passé des nuits blanches à se triturer la cervelle pour faire en sorte que ce projet de loi aide efficacement les personnes qu’il est censé aider. Ces collègues, issus de tous les groupes du Sénat, se sont acquittés de leur devoir de sénateurs en faisant preuve d’un leadership exemplaire. Ils ont écouté et ils ont décidé d’agir.

Je félicite également le parrain du projet de loi, le sénateur Brent Cotter, d’avoir pris la responsabilité de présenter le projet de loi et d’avoir veillé à ce que son cheminement au Sénat se déroule sans heurts, de manière appropriée et en temps voulu. Je remercie également la porte-parole pour son discours merveilleusement détaillé et réfléchi. Sénatrice Seidman, vous avez soulevé des points auxquels il sera important de penser lorsque nous transmettrons ce projet de loi.

Honorables sénateurs, depuis des mois, nous recevons de la correspondance et rencontrons des personnes handicapées et des organismes qui défendent leurs droits et leurs intérêts. Au début du mois, j’ai accueilli au Sénat des représentants de SP Canada. L’une de leurs grandes priorités est de veiller à ce que les personnes atteintes de sclérose en plaques aient accès à la prestation canadienne pour les personnes handicapées qu’elles en aient besoin de temps à autre ou qu’elles en aient besoin à temps plein.

À l’étape de la deuxième lecture, je vous ai aussi parlé de mon frère John, qui vit avec un grave handicap mental depuis l’âge de 14 ans. Il en avait 55 quand la prestation canadienne pour les personnes handicapées a été mentionnée la première fois dans le discours du Trône. C’était en septembre 2020. Il aura 58 ans le mois prochain, et j’ose espérer qu’il commencera à toucher cette prestation d’une grande importance pour lui avant qu’il en ait 59. À l’heure actuelle, lui et les Ontariens dans sa situation sont censés vivre avec les 1 230 $ par mois que leur verse le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées. Les Néo-Écossais, eux, ont droit à 950 $. Je l’ai dit et je le répète : la pauvreté engendrée par les lois est une honte nationale.

Chers collègues, je n’apprendrai rien à personne en disant qu’il y a des tensions entre ceux qui voudraient qu’on adopte ce projet de loi rapidement, sans rien y changer, et ceux qui souhaitent l’amender. Le Comité des affaires sociales en était tout à fait conscient, et il a tout mis en œuvre pour en tenir compte et agir en conséquence.

La ministre Carla Qualtrough, qui mérite toute notre considération et notre respect pour ce qu’elle fait pour améliorer l’accessibilité au Canada et pour avoir présenté ce texte historique, nous a dit, au comité et à moi, qu’elle est ouverte aux amendements.

Le tout est de trouver l’équilibre entre ce qui doit être modifié dès maintenant et ce qui peut attendre la rédaction du règlement d’application.

Chers collègues, comme nous le savons pertinemment, cet exercice repose sur la confiance, une question en soi fort complexe. Il s’agit de faire confiance aux gens chargés du travail, de croire dans le processus, de croire qu’il y aura vraiment une élaboration conjointe avec des représentants de confiance de la communauté des personnes handicapées et de croire que le gouvernement respectera ses engagements.

Nos collègues qui siègent au Comité des affaires sociales ont fait un examen approfondi de ce projet de loi et ont préparé et débattu des propositions d’amendements visant à l’améliorer. Comme l’a indiqué la sénatrice Omidvar, certains amendements qui ont été adoptés font suite aux préoccupations soulevées par les personnes handicapées et portent sur des questions comme la récupération, le processus d’appel et le montant des prestations qui se doit d’être suffisant étant donné que les personnes handicapées doivent composer avec des dépenses plus élevées que la moyenne des Canadiens et peuvent être confrontées à des obstacles additionnels à cause de leur genre, de leur race ou parce qu’ils sont Autochtones ou qu’ils sont dans une autre situation intersectionnelle. Plus important encore, le facteur temps qui doit être pris en compte, car il faut s’efforcer de verser les prestations dans les meilleurs délais.

Chers collègues, je ne parlerai pas de tous les amendements; je me concentrerai plutôt sur deux amendements qui concernent le facteur temps. Le parrain du projet de loi et la porte-parole ont déjà parlé de ce facteur plus tôt aujourd’hui.

Hier, la sénatrice Omidvar a indiqué que tous les témoins qui ont comparu devant le comité avaient convenu qu’il faudrait commencer à verser la prestation canadienne pour les personnes handicapées le plus tôt possible. Le comité a présenté deux amendements visant à répondre à ce souhait.

Je le répète, la sénatrice Omidvar déclarait hier que « le comité a décidé d’amender l’article 11 afin d’exiger que, dans les 12 mois suivant l’entrée en vigueur du projet de loi, le gouverneur en conseil prenne les règlements nécessaires pour que les versements puissent débuter ».

Le comité a aussi adopté un amendement qui énonce clairement le pouvoir conféré au gouverneur en conseil de fixer une date d’entrée en vigueur au plus tard un an après la sanction royale.

Chers collègues, même si le comité souhaite que les versements débutent le plus tôt possible — avant 12 mois, si possible —, je crains qu’avec l’amendement apporté au projet de loi les personnes handicapées au Canada se retrouvent à attendre jusqu’à deux ans avant de recevoir cette importante prestation.

Quand l’éventualité de cette conséquence a été soulevée en comité, Elisha Ram, sous-ministre adjoint principal à la Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social, à Emploi et Développement social Canada, a déclaré ce qui suit :

La proposition d’aujourd’hui permettrait au gouverneur en conseil de fixer la date dans l’année suivante, de sorte qu’elle pourrait être plus tôt, mais pas plus tard qu’un an. Nous devons ensuite ajouter à cela l’amendement adopté la semaine dernière, qui précise que le règlement doit entrer en vigueur dans les 12 mois suivant l’entrée en vigueur de la loi. [...] qu’à la limite, il pourrait s’écouler 24 mois avant que le ne soit présenté. [...]

Nous avons également contacté le Bureau du légiste et conseiller parlementaire pour nous aider à interpréter les résultats de ces amendements. Voici ce qui a été confirmé :

En théorie, des règlements peuvent être élaborés à partir du jour où la loi reçoit la sanction royale et jusqu’à deux ans après la sanction royale.

Ainsi, chers collègues, où cela nous mène-t-il? La combinaison de ces amendements relatifs au délai pourrait-elle avoir pour conséquence involontaire de retarder le versement de cette prestation essentielle pour les personnes handicapées? S’agira-t-il encore d’une question de confiance?

Le gouvernement nous a assuré qu’il souhaitait que cette prestation soit mise en place le plus rapidement possible. Les représentants de la communauté des personnes handicapées qui participent à la rédaction des règlements avec le gouvernement ne manqueront pas de faire pression pour une mise en œuvre rapide.

Chers collègues, en adoptant ces amendements, notre comité est convaincu que son intention d’insister sur un versement aussi rapide que possible de la prestation canadienne pour les personnes handicapées est claire et qu’elle sera suivie par le gouvernement.

Chers collègues, à l’instar des membres de notre comité, de tous les sénateurs et, j’en suis convaincue, de la grande majorité des Canadiens, je suis totalement solidaire de nos frères, de nos sœurs, de nos enfants et de nos voisins handicapés, qui souhaitent que le projet de loi C-22 tienne le plus rapidement possible ses importantes promesses de sécurité financière, de réduction de la pauvreté et de dignité pour tous.

Honorables sénateurs, continuons à faire pression pour que cette promesse importante soit tenue de toute urgence. Wela’lioq, merci.

L’honorable Ratna Omidvar : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Coyle : Absolument.

La sénatrice Omidvar : Sénatrice Coyle, je me sens obligée de me retourner pour vous regarder. Je vous remercie de votre discours très éclairé et de vos observations sur les travaux du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

J’aimerais obtenir des éclaircissements sur ce que j’ai entendu de votre part. Je crois vous avoir entendu dire que bien que le délai maximum pour que les personnes handicapées reçoivent la prestation soit fixé à deux ans, cette prestation pourrait commencer à être versée le jour où le projet de loi recevra la sanction royale, soit dans un délai de six mois. Ai-je bien compris ce que vous avez dit?

(1540)

La sénatrice Coyle : Merci de votre question, sénatrice Omidvar. C’est bien ce que j’ai dit. Bien que je pense que l’objectif général était de fixer un délai maximum de 12 mois ou d’un an, nous avons en fait fixé un délai maximum de 24 mois, comme l’a également indiqué le parrain du projet de loi. Toutefois, vous avez tout à fait raison. C’est une mesure que j’appuie, et j’espère que cette prestation sera versée bien plus rapidement que cela. En fait, le versement de la prestation pourrait commencer dès l’octroi de la sanction royale.

[Français]

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénatrices et sénateurs, nous y sommes presque.

[Traduction]

Les Canadiens handicapés attendent le projet de loi C-22 depuis 966 jours, et nous sommes enfin sur le point de franchir la ligne d’arrivée.

D’abord, permettez-moi d’exprimer ma gratitude envers mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui ont étudié et amélioré le projet de loi avec rapidité et rigueur.

[Français]

Vous vous rappellerez qu’à l’étape de la deuxième lecture, j’avais émis un certain nombre d’inquiétudes et dressé une liste de questions essentielles pour m’aider à prendre position à partir de faits quantifiables, et pas seulement par acte de confiance. J’espérais que les réponses allaient me confirmer que ce projet de loi est, en fait, le meilleur mécanisme pour réduire la pauvreté des personnes handicapées en âge de travailler.

Au cours de notre étude étalée sur 10 réunions, nous avons entendu 49 témoins, reçu 48 mémoires, fait 7 suivis et reçu 2 lettres. Ce que nous avons appris, c’est que, d’une part, les besoins de la communauté sont criants et urgents, et d’autre part, que ce projet de loi jouera un rôle primordial pour répondre à ces besoins.

Ai-je reçu les réponses qui m’ont permis de confirmer que le projet de C-22 contribuera à régler la situation de pauvreté dans laquelle se trouvent des milliers de personnes en situation de handicap? La réponse est oui.

[Traduction]

Les témoins ont été clairs : la situation est urgente. L’étude du comité a mis en lumière un aspect crucial, soit l’ampleur des besoins des personnes handicapées. Plusieurs témoins ont confirmé que vivre avec un handicap est effectivement beaucoup plus coûteux. Selon Krista Carr, vice-présidente à la direction d’Inclusion Canada :

[...] les personnes handicapées font face à des coûts supplémentaires.

Il n’existe pas beaucoup de données canadiennes à ce sujet, mais celles qui existent indiquent qu’une personne handicapée doit faire face à des coûts de l’ordre de 30 à 40 % plus élevés. Cela dépend de la nature du handicap et de l’équipement nécessaire ou d’autres coûts [...]

J’ai réalisé que la vulnérabilité économique de nombreuses personnes handicapées était encore plus grave, et que les inégalités et les disparités au sein de la communauté elle-même étaient encore plus importantes que je ne le pensais. Les témoignages étaient choquants. Qui pouvait s’attendre, dans un pays comme le Canada, à lire ceci?

Je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai mangé une pomme ou une salade. Cela fait 15 à 20 ans que je n’ai rien acheté de neuf, et je ne peux pas me le permettre. Je ne peux pas me déplacer, je ne bouge pas, je ne vais qu’aux rendez-vous chez le médecin. Je suis en quelque sorte prisonnier de mon propre appartement. Je n’ai pas les moyens d’aller où que ce soit.

Il s’agit du témoignage d’un bénéficiaire des services de la banque alimentaire Daily Bread, publié dans le bulletin de cette dernière, et il y en a eu beaucoup d’autres.

Des représentantes du Réseau d’action des femmes handicapées du Canada nous ont ouvert les yeux sur ces réalités lorsqu’elles ont dit que « les femmes handicapées sont parmi les plus marginalisés » et que « la personne la plus pauvre et la plus démunie de ce pays est une mère célibataire noire en situation de handicap ».

Jheanelle Anderson, vice-présidente de l’organisation ASE Fondation communautaire pour les Canadiens noirs handicapés, a abondé dans le même sens lorsqu’elle a dit :

Nous savons que le handicap et la pauvreté sont inextricablement liés et que la pauvreté est fortement racisée [...] [L]es personnes noires handicapées ont moins de possibilités d’emploi et d’avancement professionnel et, [...] elles vivent certaines des inégalités les plus marquées en matière de pauvreté.

Krista Wilcox, directrice générale du Bureau de la condition des personnes handicapées à Emploi et Développement social Canada, l’a aussi confirmé :

[...] 40 % des personnes handicapées noires vivent dans la pauvreté. Nous savons donc que les personnes handicapées racisées sont beaucoup plus susceptibles de vivre dans la pauvreté profonde que les autres Canadiens.

Ces témoignages et beaucoup d’autres ont montré non seulement l’importance, mais également l’urgence de mettre en œuvre le projet de loi.

[Français]

Soyons clairs sur le point suivant : la communauté des personnes vivant avec un handicap, bien qu’elle soit diverse, est unie. Je le note, car ce n’est pas toujours le cas. Nous l’avons souvent entendu dire dans cette Chambre : cette communauté diverse ne parle pas toujours d’une seule voix sur un enjeu donné. Nous en avons notamment fait le constat lors de l’étude des deux projets de loi sur l’aide médicale à mourir.

Le projet de loi C-22 est, en ce sens, assez unique. Tous sont d’accord pour dire que la prestation doit considérer les besoins liés au handicap, que le seuil de pauvreté officiel n’est pas suffisant et qu’il ne constitue pas un indicateur représentatif des coûts de la vie liés au handicap. Tout le monde s’entend également pour dire qu’il faut tout faire pour éviter les possibilités de récupération. On a vu la même unanimité en ce qui concerne l’importance que la prestation bénéficie à l’individu, et non à la famille ou au ménage.

[Traduction]

Là où l’opinion diffère au sein de la communauté, c’est sur la force qu’il faut donner au projet de loi et l’ampleur de ce qui devrait être régi par les règlements. Les deux camps ont mentionné les incertitudes politiques liées aux gouvernements. Certains s’en servent pour justifier l’adoption rapide du projet de loi, sans amendement, puisque nous ignorons ce que l’avenir nous réserve. D’autres s’en servent pour insister sur l’importance de renforcer le projet de loi immédiatement pour nous protéger, car nous ignorons ce que l’avenir nous réserve. Selon moi, le comité a agi de manière responsable en tenant compte des deux camps, en étudiant rapidement et efficacement le projet de loi et en le renforçant là où c’était essentiel.

[Français]

Comme cela avait été le cas avec la Loi canadienne sur l’accessibilité, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales a procédé à des modifications afin d’aider le gouvernement à atteindre plus efficacement son objectif d’améliorer la situation et la sécurité financière de millions de Canadiens.

D’ailleurs, rappelons-nous que, en 2019, malgré le souhait initial de plusieurs — soit que le Sénat adopte le projet de loi C-81 sans présenter aucun amendement —, les amendements que nous y avions apportés ont été accueillis fort positivement à l’époque. Le gouvernement avait d’ailleurs reconnu la qualité de notre contribution et la ministre Qualtrough a récemment réitéré ses félicitations lors de son dernier passage au comité.

La sénatrice Omidvar a présenté très clairement les six amendements qui, espérons-le, seront conservés par le gouvernement. Permettez-moi de revenir sur certains d’entre eux, lesquels, j’en suis convaincue, feront une réelle différence quant à la solidité de ce projet de loi.

Selon moi, l’un des plus importants est l’amendement qui garantit un processus d’appel aux personnes en situation de handicap. Le projet de loi prévoyait que le Cabinet puisse prendre des règlements concernant tout appel. Vous conviendrez que c’est tout de même assez vague. C’est ce que votre comité a corrigé en précisant que l’appel doit au moins porter sur toute décision concernant l’admissibilité d’une personne à la prestation, ou encore sur le montant reçu ou celui qui lui sera versé.

L’appel pourrait aussi être présenté par la personne concernée ou par quiconque le ferait de sa part. En votant en faveur de cet amendement, les membres du comité ont convenu que même une loi-cadre doit inclure des mesures qui atténuent les inquiétudes portant sur les obstacles administratifs potentiels, afin d’offrir des protections.

Par ailleurs, plusieurs témoins nous ont montré que l’intersectionnalité apporte son lot de vulnérabilités supplémentaires.

(1550)

Il est crucial, comme le comité l’a fait inscrire dans le préambule, que l’intersectionnalité soit prise en considération dans le processus réglementaire.

[Traduction]

Je vais vous donner un exemple. Bonnie Brayton, directrice générale du Réseau d’action des femmes handicapées du Canada, nous a dit ceci :

[...] les personnes handicapées les plus marginalisées — les Autochtones, les Noirs, les personnes de diverses identités de genre — [sont] au centre du processus, parce qu’elles affrontent les taux les plus élevés de pauvreté et de sans-abrisme [...]

[Français]

Un sentiment a été aisément perceptible durant les audiences du Comité des affaires sociales : c’est la confiance vis-à-vis de l’engagement du gouvernement d’impliquer largement les personnes concernées dans l’élaboration des règlements où tout se jouera. La ministre nous a rassurés à cet effet. Dans l’esprit du « rien sans nous », les personnes qui vivent avec un handicap veulent être partie prenante à chaque étape en tant que « codesigners ». J’ai bon espoir que les personnes vivant avec un handicap qui sont généralement et trop souvent marginalisées ne vont pas se faire mettre de côté et que tous ceux qui ne sont pas consultés d’habitude se feront entendre, pour que les choses soient bien faites.

[Traduction]

Les témoins nous ont répété que ce n’était pas négociable. Voici quelques exemples de ce que nous avons entendu :

Ça ne peut être imposé d’en haut. Les communautés savent comment définir le problème, l’ayant vécu. L’élite ne le connaît pas, elle n’a pas connu directement la pauvreté.

Mais aussi :

[Cela signifie qu’il faut] dépasser le fait d’accueillir des consultations des collectivités pour s’engager à nous mobiliser comme coconcepteurs et spécialistes en la matière.

Beaucoup ont dit qu’ils faisaient confiance au gouvernement pour s’assurer que les consultations et la participation se dérouleraient correctement. Bien que je n’aie aucune raison de douter du processus, je fais principalement confiance aux personnes et aux organisations qui ont affirmé très clairement, fermement et directement que cela ne pourra pas se faire sans elles. Je pense que nous pouvons compter sur elles pour nous faire savoir si elles ne font effectivement pas partie de l’ensemble du processus.

Parmi tous les témoignages, je souhaite attirer votre attention sur celui de la ministre Qualtrough, qui a déclaré : « Ce que je dis constamment, c’est que la prestation sera versée en 2024. » Cet engagement est important. Il donne de la clarté, un délai et de l’espoir aux Canadiens qui vivent avec un handicap, qui représentent 21 % de la population. Ils le méritent certainement.

[Français]

Lors de l’étude du projet de loi C-81, alors que nous en étions à cette même étape, notre collègue le sénateur Munson avait dit ceci :

[Traduction]

Malgré les contraintes de temps, les membres du comité ont accordé au projet de loi et aux amendements adoptés l’étude exhaustive et attentive qu’ils méritaient. Je sais que nombre de ces amendements proviennent directement des communautés, des témoins et des organisations concernés. Je crois donc que nous devrions adopter le projet de loi avec ces amendements et laisser l’autre endroit faire son travail et étudier nos amendements. C’est ainsi que notre démocratie et notre Parlement fonctionnent. Nous devons tous agir avec célérité.

[Français]

J’étais d’accord avec lui à ce moment-là. Aujourd’hui, j’ai la même conviction quand je regarde le projet de loi que nous étudions.

[Traduction]

En conclusion, j’aimerais aller au-delà du projet de loi C-22. Compte tenu de ce que nous avons appris au comité sur le niveau de détresse et l’urgence d’agir, lorsque le gouvernement s’emploiera à faire de cette prestation une réalité dans le cadre de son prochain budget, je l’exhorte à explorer toutes les options possibles pour aider les personnes handicapées qui en ont le plus besoin. Qu’il s’agisse de l’accès au logement, du transport ou de l’aide pour acheter des aliments, nous ne devons pas nous en tenir à une seule initiative comme celle-ci. Ce ne sera pas suffisant, et nous le savons. Nous devons donc agir.

Pour le moment, honorables collègues, nous devons aussi agir en mettant le projet de loi C-22 aux voix sans délai. La réalité, c’est que, lorsqu’on sort des personnes — handicapées ou non — de la pauvreté, tout le monde y gagne.

Meegwetch. Merci.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je m’inspire de la sagesse et des judicieux conseils de notre ancien collègue, le sénateur Baker, qui nous a souvent implorés d’étudier les projets de loi de la manière le plus exhaustive possible et de voir à ce que notre compte rendu soit le plus complet possible pour ceux qui, dans l’avenir, se pencheront sur nos délibérations.

Ceux qui savent ce que c’est que d’avoir très peu de ressources, que ce soit pour des raisons d’ordre économique, sexuel ou racial, et ceux qui savent ce que c’est que d’être jugé incapable ou indigne, ne connaissent que trop intimement les niveaux correspondants d’irrespect, de mépris et de dédain qui s’ajoutent à ces situations initiales marquées par une iniquité systémique profonde. Tel est l’état des choses pour de trop nombreuses personnes handicapées et pour le projet de loi C-22. Si le gouvernement veut sérieusement dénoncer et corriger ce statu quo inacceptable vécu par un trop grand nombre de personnes handicapées, il doit soutenir — et il le fera — les amendements proposés par nos collègues du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie au cours de leur étude du projet de loi C-22, et ils continueront à travailler ensemble pour apporter d’autres améliorations au cours de la mise en œuvre du projet de loi.

Les amendements et les observations importantes qui ont été formulées apportent un nouveau souffle à nos responsabilités constitutionnelles, lesquelles comprennent, comme l’a souligné la Cour suprême du Canada, la protection des minorités, la capacité d’adopter une perspective à long terme en ce qui concerne l’élaboration des politiques et les mesures législatives, et la volonté d’étudier à l’avance des dossiers qui pourraient être trop controversés pour une assemblée élue. Félicitations à nos collègues, qui se sont acquittés de ces devoirs. Comme la ministre les y avait invités lors de son témoignage devant le comité, ils ont apporté des amendements qui aideront à la fois la ministre, le gouvernement et, en fin de compte, les personnes qui seront probablement les plus touchées par le projet de loi, puisqu’ils ont permis d’apporter des améliorations demandées par les témoins.

Avant que ces amendements soient apportés, nous avons été nombreux à parler des préoccupations exprimées par des groupes de défense des personnes handicapées, qui soulignaient, à l’étape de la deuxième lecture, que le projet de loi C-22 ne semblait pas apte à atteindre l’objectif visé, c’est-à-dire à réduire la pauvreté des Canadiens handicapés ou, pour reprendre une expression employée par la ministre, à sortir les Canadiens handicapés de la pauvreté.

Sans les amendements apportés par le comité, le projet de loi C-22 est une coquille vide, il risque d’être soumis, à l’avenir, aux caprices des organismes de réglementation, et aucun engagement concret n’y est pris pour assurer l’efficacité du processus. Même si on nous a poussés à adopter ce projet de loi-cadre et à faire confiance au processus réglementaire, nous remercions nos collègues d’avoir reconnu l’inefficacité d’une telle approche et, plus encore, le fait qu’elle obligerait les personnes handicapées à convaincre les gouvernements futurs d’agir comme il se doit. Il est navrant que nous semblions de plus en plus enclins à demander aux communautés les plus vulnérables, les plus démunies et les plus marginalisées de croire en des processus qui les avantagent rarement.

Cette approche reflète la vieille morale charitable du XIXe siècle, quand on s’attendait à ce que les personnes vivant dans la pauvreté se contentent de ce que le gouvernement du moment jugeait « suffisant ». Les sénateurs doivent s’assurer que cette mesure législative atteint son objectif d’éradiquer la pauvreté, en garantissant que le cadre qu’elle propose est solide et qu’il inscrit dans la loi les principes et les protections nécessaires à l’élaboration des règlements, et non le contraire, comme on l’avait initialement suggéré.

Les tribunaux canadiens ont souligné que le Parlement doit tenir compte des effets d’une loi dans toutes les situations auxquelles elle pourrait s’appliquer, et qu’il doit le faire à la lumière des rapports, études et situations qui ont fait l’objet de discussions et qui ont été soulevés dans le cadre du processus parlementaire ainsi que de la loi applicable, notamment les principes énoncés dans les décisions judiciaires. Au nombre de ces principes figure le principe constitutionnel qui comprend un engagement à fournir, à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels.

Chers collègues, disons très clairement que la consultation de la communauté des personnes handicapées n’équivaut pas à garantir l’inscription dans une mesure législative des mesures de protection que cette communauté réclame. Il n’est pas non plus assuré que les conclusions de cet exercice seront prises en compte dans le processus décisionnel ou même que les décisions qui en résulteront respecteront les droits fondamentaux de la personne.

(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 21 septembre 2022, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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